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L'entraînement au sommeil.

Dernière mise à jour : 23 mars


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Ca n'est pas évident de s'attaquer à ce sujet car il fait souvent débat. Il me semblait donc important de le traiter sous tous les angles possibles en prenant en compte : les études, mon expérience d'experte et ce que l'on m'a transmis en formation, mais aussi mon point de vue de maman de 3 enfants.


Commençons par définir ce que sont ces méthodes d'entraînement au sommeil :


Dans ma pratique je n'utilise jamais ce terme, mais plutôt celui de méthode d'accompagnement des pleurs. Car l'expression "entraînement au sommeil" est traduite de l'anglais et peut déjà choquer un francophone. Les anglo-saxons utilisent également l'expression "potty training" (entraînement au pot), ce que nous aurions tendance à assimiler à du dressage en français, mais pour eux l'expression "training" n'est pas du tout associée à cette notion.

Les méthodes "d'entraînement au sommeil" sont donc des façons de ne plus contourner les pleurs de l'enfant, afin qu'il développe une capacité à s'endormir de façon autonome, en dissociant l'endormissement, des bras, du sein, du biberon, de la tétine, des bruits blancs... En français le terme n'est donc pas approprié car nous savons très bien que la capacité d'endormissement est naturelle, bébé n'a donc pas besoin d'y être entraîné. Mais que pour certains, reproduire l'endormissement sans aide, dans l'environnement extra-utérin, demandera un effort supplémentaire. Nous ne nous adaptons pas tous à la naissance de la même façon.


Pourquoi l'autonomie au sommeil ne se développe-t-elle pas à la même vitesse chez tous les nouveaux-nés ?


La capacité d'un nourrisson à s'endormir sereinement et à gérer ses micro-réveils seul dépend de sa capacité à s'adapter à l'environnement extra-utérin. Cette capacité d'adaptation est elle-même conditionnée par différents facteurs :

  • naissance à terme ou avant terme

  • qualité de la succion

  • éventuels maux associés à la position allongée (nécessaire pour le sommeil), liés à l'accouchement ou à une pathologie (RGO, intolérence,...)

  • intensité des pleurs, tempérament de l'enfant

  • capacité parentale à ne pas intervenir trop rapidement au moindre bruit nocturne

  • sensibilité des parents aux pleurs et capacité à ne pas systématiquement vouloir les contourner,...

Fort heureusement, pour de nombreux bébés cette capacité d'endormissement serein et autonome se développe tranquillement, dans les 3 ou 4 premiers mois. Certains peuvent même s'adapter à un endormissement dans les bras, au berceau, à la voiture ou à la poussette, sans aucun souci. D'autres resterons attachés plus longtemps au sein maternel et à cette alimentation en continu, au balancement de l'écharpe de portage qui reproduit la position et la sensation intra-utérine de flottaison... Ceux-là pourront exprimer fortement leur frustration quand les parents tentent de les coucher encore éveillés, à l'heure de la sieste ou le soir.


Pourquoi proposer l'endormissement autonome ?


Il n'y a aucun souci à ce qu'un enfant ne fasse pas l'expérience de l'endormissement autonome, dans les premiers mois ou premières années de vie, tant que :

- cela ne crée pas chez lui un manque de sommeil intense (ou dette de sommeil) car le sommeil est un besoin vital et nécessaire à un développement harmonieux ;

- cela n'est pas à l'origine d'un épuisement parental, d'une dépression post-partum maternelle ou d'une hyper vigilance. En plus d'accumuler de la fatigue, certaines mères ont tendance à s'oublier complètement, ne prennent plus soin de leurs propres besoins : aller aux toilettes, prendre une douche, manger équilibré, ou tout simplement prendre quelques minutes pour elles chaque jour... En faisant cela, elles risquent de développer une frustration intense et tomber dans la dépression ou en arriver à ressentir de la colère envers leur bébé. Dans la grande majorité des cas, les bébés secoués l'ont été car les parents avaient atteint leurs limites. N'oublions pas que la privation de sommeil est utilisée comme un moyen de torture.


Si vous et votre enfant dormez très bien en cododo et que vous aimez être à ses côtés à l'endormissement alors aucune nécessité de chercher à le rendre autonome. Chez certaines familles le cododo est de mise pendant les premières années de l'enfant et il n'y a aucun souci avec ça. Certains enfants vont également être capables de s'endormir dans les bras et de ne pas se réveiller de la nuit ou de faire de longues siestes. D'autres se réveillerons fréquemment, sans que ce soit lié à un besoin physiologique, parce que leur condition d'endormissement n'est pas identique à celle qu'ils constatent au moment d'un micro-réveil, ce qui peut être insécurisant.


Que disent les études ?


Deux études faites sur des enfants auxquels on a proposé de s'endormir seuls dans leur lit, en utilisant différentes méthodes comme le 5-10-15 de Ferber ou le fait de laisser l'enfant pleurer jusqu'à endormissement sans intervention, ont conclu les faits suivants :


1 - "Ces techniques utilisées à l'heure du coucher procurent des avantages de sommeil significatifs, mais ne transmettent aucune réaction de stress indésirable, ni d'effets à long terme sur le lien d'attachement parent-enfant ou sur les émotions ou sur le comportement de l'enfant. " (Behavioral Interventions for Infant Sleep Problems: A Randomized Controlled Trial - par ici).

2 - Etude réalisée sur 326 enfants en bonne santé et grandissant dans des familles bien traitantes : " Les techniques d'apprentissage au sommeil n'ont pas d'effets positifs ou négatifs durables ou marqués. Les parents et professionnels peuvent donc utiliser ces techniques en toute confiance pour réduire le fardeau, à court et moyen terme, des problèmes de sommeil du nourrisson et de la dépression maternelle. " (Five-Year Follow-up of Harms and Benefits of Behavioral Infant Sleep Intervention: Randomized Trial - par ici).


Ce sont deux études ont été réalisées auprès d'enfants bien traités, dont on n'aurait pas contourner les pleurs uniquement liés au manque de sommeil et à la frustration de se voir imposer un endormissement autonome.


Dans le cadre de ce type d'étude, on va mesurer des taux de cortisol, appelé hormone du stress, dans la salive des enfants par exemple. Les études qui montrent que les enfants qui développent des troubles du comportement ou un lien d'attachement non sécure, liés à un taux de cortisol élevé, ont été réalisées sur des enfants ayant subi des maltraitances répétées et sur de longue périodes. Certaines études réalisées sur le cortisol et les bébés animaux sont également utilisées pour alarmer sur les risques de ces méthodes, mais elles ne sont absolument pas pertinentes, car impossible à mettre en relation avec nos comportements humains. Contrairement aux comportements des animaux observés, qui eux sont dans une démarche de survie, les enfants dont les parents ont utilisé ces méthodes sont, pour la plupart, nourris, soignés, aimés... Ils savent donc que leurs parents répondent à leurs besoin.


Dans son livre "Dormir sans larmes", le dr Rosa Jové parle des "méthodes de dressage" au sommeil et nous ordonne de les bannir, au prétexte qu'elles consisteraient à laisser l'enfant seul et ne revenir que pour lui imposer des " châtiments corporels" ou des "stimuli négatifs" afin de le dresser. Aucune méthode d'accompagnement des pleurs ne proposent de telles options, que ce soit le 5-10-15 de Ferber, le chrono dodo ou autres. Lors des visites le parent reste aimant, transmet sa confiance, peut parfois prendre l'enfant dans ses bras, lui parler, le caresser... Plus l'enfant grandit, plus la notion de fermeté est importante, pour poser des limites, mais en aucun cas on ne proposera au parent de se fâcher. Dans son livre l'autrice joue sur les peurs des parents, en prenant des exemples d'enfant sexuellement abusés ou d'enfants qui vont certainement se mettre à imaginer que leur parent va les "abandonner" (concept impossible à saisir pour un enfant en bas âge). Elle culpabilise les mères non allaitantes en leur expliquant pourquoi ne pas allaiter nuit au sommeil de bébé, en écrivant "Les deux seuls facteurs qui favorisent naturellement le sommeil sont l'allaitement maternel et le cododo". Dans les faits, je reçois autant d'appels de parents dont les enfants sont allaités au sein qu'au biberon. De plus, certains enfants ne supportent pas le cododo et ce dès les premières semaines de vie. Elle cite les travaux de Tarppy sur les principes fondamentaux de l'apprentissage (or le sommeil n'est pas un apprentissage, c'est l'appellation de ces méthodes qui est mal choisie), puis une suite d'études qui indiquent que des pourcentages d'enfants qui dormiront toute la nuit en continu par tranches d'âges... Aucune étude qui prendrait en compte des enfants en bonne santé, bien traités et sur qui on aurait appliqué ces méthodes de "dressage au sommeil" n'est citée. Madame Jové n'a malheureusement pas dû avoir connaissance des deux études citées au-dessus puisqu'elle affirme qu'aucune étude n'a été faite à ce jour.


Alors, que faire avant d'en arriver à utiliser des méthodes d'accompagnement des pleurs :


Bien sûr il est totalement exclu d'utiliser ce genre de méthodes dans les premières semaines de vie de bébé. Il aura besoin que vous reproduisiez les conditions intra-utérines pendant quelques semaines ou mois, à l'aide du cododo, de l'emmaillotage, des bercements, du portage, du peau-à-peau, des bruits blancs, de réducteurs de lits,... Un nouveau-né se réveille régulièrement la nuit pour manger, car il a souillé sa couche, a un rot ou un pet coincé, bref les tracas récurrents de nos pauvres petits à la naissance, ça c'est en effet normal. En revanche, un nourrisson qui pleure tout le temps et dort peu doit être vu par des professionnels de santé pour vérifier s'il ne souffre pas :

  • de RGO (reflux) ;

  • d'une intolérance alimentaire ;

  • de freins buccaux restrictifs pouvant occasionner des tensions dans le corps ;

  • d'un torticolis ou d'une dysplasie de la hanche ;

  • d'un retard de croissance ;

  • ou de toute autre pathologie pouvant affecter le sommeil...


Vous pouvez consulter des pédiatres, ORL, gastro-entérologues, kinésythérapeutes, orthophonistes, sage-femmes (IBCLC de préférence), IDE puér en PMI, chiropracteurs...


Si votre enfant est en parfaite santé et qu'au delà de 2 ou 3 mois la situation ne s'améliore pas, alors il s'agira de vérifier de nombreux paramètres : régularité des horaires et des routines, environnement de sommeil adapté, régularité et pertinence des interventions parentales, alimentation, succion ... Dans mes fiches Tout savoir sur le sommeil des 0-3 ans, je donne toutes les informations essentielles et des outils pratiques pour accompagner votre bébé vers un sommeil serein dès la naissance. Plus de 2000 familles les ont déjà commandé. J'ai déjà reçu beaucoup de messages de parents reconnaissants, car en les lisant pendant la grossesse ou les premières semaines de vie de bébé, ils ont pu adapter les habitudes, comprendre les besoins de leur petit et certainement parfois éviter d'avoir recourt à de l'accompagnement des pleurs. Un parent informé est un parent serein ! Un parent outillé est un parent confiant !


Mon expérience pro sur le sujet :


Je ne conseillerai jamais aux parents d'utiliser ce genre de méthodes en l'ayant lu dans un livre, sur un blog ou parce que des amis leur ont conseillé de faire ainsi. Chaque enfant est si différent qu'il est impossible de calquer des méthodes toutes faites sur chacun en espérant que ça fonctionne. Les risques sont :

- de passer à côté d'une info importante qui rendrait la méthode inefficace (exemple : l'enfant a une tétine et ne sait pas la remettre seul, vous lui imposeriez une sorte de sevrage aléatoire et vous compteriez un paquet d'heures, pendant de nombreuses nuits, avant que votre enfant s'endorme d'épuisement ... ce n'est pas souhaitable !) ;

- de l'utiliser alors que l'enfant a une dette de sommeil et qu'il a plus besoin d'une bonne cure de sommeil que d'autonomie dans un premier temps ;

- de ne pas appliquer la méthode appropriée à l'âge et au tempérament de l'enfant ou de ne pas l'appliquer correctement ;

- d'en appliquer une parce que les parents subissent des pressions extérieures ce qui aura pour conséquence de les frustrer et de faire passer un très mauvais moment à toute la famille sans aucune conséquence positive ;

- et enfin de l'utiliser alors qu'il n'y en aurait pas eu besoin avec un accompagnement adéquate et quelques changements d'habitudes.


En tant qu'experte du sommeil des enfants de 0 à 5 ans et accompagnante parentale, il est de mon devoir de proposer des solutions adaptées et individualisées à chaque famille. Après avoir fait le point sur les changements d'habitudes à opérer (paramètres cités ci-dessus) avec les parents (éclairés), nous envisageons la nécessité ou pas de proposer à l'enfant des endormissements autonomes. Puis, si l'EA semble être nécessaire et souhaité par les parents (les experts de leurs enfants), je propose 3 méthodes différentes pour accompagner l'enfant vers l'autonomie : une première sans pleurs, une seconde que j'appelle progressive (les parents ne laissent pas l'enfant seul mais ne contournent plus les pleurs et les accueillent) et une 3ème complètement individualisée avec un système de chronométrage (les parents sont parfois à côté, peuvent le prendre dans les bras, ou lui parler, les temps de compte sont très courts, ...). Dans la grande majorité des cas, les parents améliorent rapidement la qualité de sommeil des enfants, chacun va à son rythme, cela peut prendre seulement 3 ou 4 jours mais parfois cela prendra 1 mois ou 2. Dans tous les cas, l'objectif est de n'utiliser ce genre de procédés qu'en dernier recourt et sur des temps très réduits. En aucun cas, il n'est intéressant de proposer un 5-10-15 pour un enfant de moins de 2 ans par exemple. Il m'est arrivé 2 fois de le proposer, dans des situations où les enfants mettaient leur santé en danger et où les parents étaient clairement à bout. A ce jour, j'ai accompagné environ 1500 familles.


Mon expérience perso :


Avant d'avoir mon deuxième enfant, il m'est arrivé d'être assez choquée par l'existence de ce genre de méthode. Facile de juger quand on a eu un premier enfant excellent dormeur. Puis j'ai été confronté à une situation si épuisante que j'en suis arrivée à dire des phrases que je regrette, à mon bébé de 3 mois ou à le laisser seul en larmes pendant 5 minutes dans son lit, pour sortir pleurer moi aussi et crier dans un coussin, afin de ne pas lui faire de mal. Il n'avait aucun souci de santé mais la nuit il se réveillait toutes les 45 minutes au mieux et ne dormait qu'en portage en journée, alors que je devais marcher en continu au risque de le réveiller pour une nouvelle session de larmes et de cris. Rien ne semblait convenir, pas même le cododo, ni le sein ou la tétine. Je devais parfois marcher dans la chambre pendant 2h en pleine nuit, impuissante face à ses larmes. J'ai la chance de travailler dans le domaine de la petite enfance et ayant déjà entendu parler de solutions comme ces méthodes, j'ai décidé de suivre une formation complète. J'ai pu accompagner mon petit garçon dans une cure de sommeil, puis identifier les raisons de ses difficultés de sommeil. J'ai mis en place une de ces méthodes, après 2 nuits à accompagner ses larmes (en restant près de lui et dans notre chambre), j'ai découvert un autre enfant très rapidement. Quelques jours après il commençait également à faire des siestes dans son lit, passait de bons moments sur son tapis d'éveil, souriait et à commencé à passer des étapes de développement moteur assez rapidement. Cela n'a pas nuit à notre lien d'attachement, j'ai continué d'allaiter, j'avais de nouveau de l'énergie pour m'occuper de ma fille aînée et mon fils a développé un lien très sain avec le sommeil. Lorsqu'il est malade il vient dormir avec nous, puis dès qu'il est guéri regagne son lit avec plaisir, il n'a pas de comportement agressif et sait très bien que ses parents sont là pour lui.


Conclusion :


Il est important :

- d'éviter d'utiliser ces méthodes avec de tout jeunes enfants ou en improvisant après avoir lu les consignes sur internet ;

- de lutter contre la désinformation sur ces méthodes car elles peuvent soulager des bébés et leurs parents ;

- de se garder de tout jugement envers un parent qui en appliquerait une car chaque parent fera très instinctivement ce qu'il sait être dans l'intérêt de son enfant ;

- de ne jamais se forcer à en appliquer une sans conviction ou parce qu'on subit une pression à le faire ;

- de ne pas attendre d'être au bout du rouleau pour aller chercher du soutien.


 





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