Le bébé et le jeune enfant, comme l'être humain adulte, a besoin de différents apports, liens, stimulations et ambiances pour se développer harmonieusement. En prenant comme référence la pyramide de Maslow, puis en catégorisant les besoins du bébé et du jeune enfant (cf schéma ci-dessous), nous constatons très vite que, ses besoins en sommeil sont au même niveau que ceux de se nourrir ou d'éliminer. Or aujourd'hui, on oppose parfois une parentalité positive et proximale, avec le fait d'offrir à son enfant d'avoir un sommeil de qualité.
De nombreux éducateurs ou professionnels de santé font de la prévention sur les risques encourus par le bébé si on le « laisse pleurer ». Je constate peu de nuances dans ce genre d'articles, notamment sur les réseaux sociaux où ils sont partagés au plus grand nombre et en commentaires les avis de chacun sont catégoriques. « Il ne faut jamais laisser un bébé pleurer », sans aucune définition du contexte ou de connaissance de l'âge du sujet. Comme toute injonction extrême, je trouve celle-ci bien dangeureuse pour nos petits. D'autant plus, qu'aucune étude neuroscientifique à ce jour n'a pu prouver que le fait de laisser un bébé exprimer ses émotions par des pleurs, dans le cadre d'un accompagnement sommeil, avait des répercussions neurologiques. Bien au contraire, deux études, publiées dans Pediatrics montrent que les méthodes d'accompagnement au sommeil n'ont aucun impacts négatifs.
Imaginons que vous, adulte, soyez très en colère ou triste car votre journée a été difficile, votre patron vous a mal parlé, vous vous êtes disputé avec votre conjoint(e), vos enfants se sont agités toute la journée autour de vous et vous n'avez pas eu un instant de tranquillité. Puis, quelqu'un va tenter de vous faire taire en vous donnant à manger ou en vous disant « chhhuut ça va, ne pleure/crie pas », alors que vous aviez besoin de relâcher cette tension en exprimant vos émotions, afin qu'elles soient entendues. Je pense que vous seriez encore plus en colère ou triste et vous auriez raison de l'être.
Nous savons que le bébé pleure pour de multiples raisons : la faim, la soif, les douleurs ou d'autres inconforts (chaleur, froid, sensation d'humidité, position inconfortable, ...). Alors ne pas « laisser pleurer », oui, si bébé exprime une demande d'aide/de soin liée à l'un des besoins fondamentaux pour lesquels l'adulte peut intervenir. En revanche, il est sain de laisser un bébé* au calme dans son lit et lui permettre de s'exprimer afin qu'il évacuer son stress, au moment de l'endormissement. L'angoisse du bébé liée à la naissance et son besoin que nous reproduisions des conditions intra-utérines rassurantes, ne durent que quelques semaines. Ensuite, vers 6 mois, le bébé pourra commencer à apprivoiser la solitude, comme l'explique Donald Winnicott dans ses travaux. L'OMS préconise également un passage du co-dodo à la chambre autour de 6 mois.
Lorsque l'on pratique la pédagogie Montessori ou la motricité libre selon le concept d'Emi Pikler, il est aisé de s'apercevoir que l'enfant a besoin de ressentir, d'expérimenter pour comprendre, apprendre et grandir. Il a besoin d'un cadre bienveillant mais non interventionniste et d'autonomie dans tous ses apprentissages. Dans de nombreux cas, un enfant qui n'est pas indépendant à l'endormissement ne pourra avoir un sommeil suffisant et de qualité. Il existe des bébés qui ont un rapport très facile avec le sommeil, les parents de ces enfants ne comprennent pas toujours ceux qui ont des enfants avec des difficultés sur ce plan. Il leur arrive même de penser que les parents d'enfants qui dorment mal ou trop peu, font sûrement fausse route et qu'ils feraient mieux de faire comme eux. J'ai moi-même fait partie de ce groupe de parents et maintenant que j'ai un petit garçon qui a un rapport compliqué avec le sommeil, je sais bien que pour mon aînée, je ne suis pour rien dans la qualité de ses nuits.
C'est pour cela qu'il existe des méthodes d'accompagnement au sommeil du bébé car vous, parents, avez un rôle à jouer, comme dans l'apprentissage alimentaire ou d'élimination. Un enfant ne pourra pas deviner seul qu'il faut manger équilibré et fractionner ses apports en différents repas. Vous allez lui donner les outils nécessaires à l'apprentissage d'une alimentation suffisante, saine, de qualité, dans le respect de vos habitudes culturelles et familiales. Il en est de même pour l'apprentissage de ce qu'on appelle « la propreté » qui est en réalité un soutien dans la prise de conscience de sa capacité de continence. Alors si nous donnons aux enfants des outils pour apprendre à contrôler ses éliminations et à se nourrir, pourquoi ne le ferait-on par avec le sommeil ? Nous possédons des insctincts certes, mais nous développons, au contact de nos pairs, des capacités à réguler et répondre à nos besoins.
Je respecte tout autant une mère qui allaite son enfant pendant 3 ans et pratique le co-dodo, qu'une mère qui aura choisi de donner le biberon et d'accompagner son enfant avec une méthode d'apprentissage au sommeil. Ces deux femmes font des choix en fonction de leur vécu, leurs valeurs ou encore le tempérament de l'enfant, car bien souvent, nous ne « faisons » pas de la même façon avec chacun.
Je suis donc pour la modération, la nuance ou le « juste milieu », ainsi que la cohérence éducative. Il est possible **d'aider vos enfants à avoir un autre rapport avec le sommeil, dans le respect d'une parentalité consciente, pleine d'amour et d'empathie. Chacun doit pouvoir être écouté et soutenu par des professionnels de santé ou de l'éducation sans avoir peur d'être jugé ou subir une pression sociale à pratiquer une parentalité qui serait meilleure qu'une autre.
* Dans un cadre cohérent et sécuris, avec un accompagnement adapté à son âge
**En cas de RGO (reflux gastro-oesophagien) ou autre pathologie, il faudra bien sûr que l'enfant soit traité avant de pratiquer un apprentissage au sommeil.
Pour écrire cet article, je me suis appuyée sur les écrits et travaux d'Eric Binet, psychologue clinicien et Docteur en Sciences de l’Education ; d'Abraham Maslow, psychologue humaniste (pyramide) ; d'Emi Pikler pédiatre et psychopédagogue ; Maria Montessori, médecin et pédagogue ; Brigitte Langevin, experte en sommeil et Donald Winnicott, pédiatre et psychanalyste.
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